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Le Sycomore

Témoin séculaire du pacte sacré
Refuge au midi noyé de chaleur
L’arbre la nuit, se nourrit de la ferveur
De la foi et du chant des consacrés.
     Pâtres ou sages, vous tous chercheurs
     de sens réunis: priez et vous vaincrez !
     Fleur de la nuit, la lune, astre nacré
     Vous ouvre la voie lactée du bonheur.
Croyants, voici le temps de vous ressaisir
Car il point déjà le jour où l’on voit rosir
L’aube nouvelle sur le figuier Sycomore.
     Passant, pour toi l’heure est venue de choisir
     Mais surtout ami, ne viens pas ici sans désir
     De toi dépend que je sois tombe ou trésor.

Texte et Photos © marc-horisberger.ch 2021 
Recto : Le Sycomore d’Aksoum (Tigré, Éthiopie)
Verso : Le Sycomore de Yeha (Tigré, Éthiopie)


Sur la place d’Aksoum (Éthiopie province du Tigré), la foi des hommes a sauvé le figuier sycomore symbole du lien entre l’homme et la nature, entre la terre et le ciel. 

Depuis le VIe siècle, les sept premiers jours de chaque mois, s’ébranlent à quatre heures du matin, des processions matinales qui rassemblent des milliers de personnes. Ces traditions tirent leurs origines du Sycomore d’Héliopolis sous lequel étaient consacrés les pharaons et sur lequel ils inscrivaient leur nouveau nom. L’Arbre de la Vierge à Matarieh, qui cacha l’enfant lors de la fuite en Égypte n’en est plus qu’un vestige. Le Sycomore d’Aksoum – comme celui de Yeha – sont des îlots de mémoire qui continuent d’entretenir les liens sacrés que les hommes tissent avec le Ciel.

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La Parabole du Sycomore​​​​​​​


A l’heure de la déforestation 

et de la transition écologique et sociale 

la parabole du sycomore d’ Aksoum


Vous le savez sans doute, je suis allé en février 2020, dans le cadre d’une formation continue proposée Pfarrweiterbildung pwb avec une quinzaine de collègues Suisse-Allemands planter des arbres en Éthiopie (conduit par le pasteur Beat Beutler et Simon Pfister,  président de l’ONG Green Ethiopia et professeur d'économie à l'Université de St.-Gall)

Nous nous sommes arrêtés dans la ville d’Aksoum, au nord del’Éthiopie, dans la région du Tigray. Non loin de là, la trace des premiers hommes sur terre fut découverte avec la fameuse « Lucy » notre grand-mère commune. Aksoum : ce nom fait résonner celui d’un puissant royaume d’autrefois : celui de la reine de Saba qui rendit visite à Salomon. 

Mais Aksoum est aussi le cœur battant de l'Église éthiopienne monophysite qui est sans aucun doute celle qui est restée la plus proche du christianisme des origines, fortement imprégnée de judaïsme à tel point que l'on peut ici réellement parler de traditions judéo-chrétiennes perpétuées jusqu'à nos jours.

A Aksoum, dans l’enceinte de l’Église Sainte-Marie de Sion serait conservée l’Arche d’alliance. Elle aurait été sauvée lors de la destruction du Temple de Jérusalem par les Babyloniens en 587 av. J.C. et amenée en Éthiopie. L'Église éthiopienne se considère comme dépositaire de l’Arche appelée aussi Arche du témoignage, car elle contient les tables de la loi, et donc le témoignage du pacte éternel scellé entre Dieu et les hommes. Elle est aussi la seule église chrétienne au sein de laquelle la danse liturgique tient sa place, forme de prière et lointain rappel de David dansant devant l'Arche d'Alliance. 

A côté de l’Église un majestueux  Sycomore est un autre témoin incontournable de cette foi plurimillénaire. L’arbre actuel pourrait être âgé de deux cents ans ou plus. Mais la légende dit qu’il est le rejeton du Sycomore d’Héliopolis (localité près du Caire en Égypte) sous lequel étaient consacrés les Pharaons et sur lequel ils inscrivaient leur nouveau nom. Aujourd’hui on peut encore voir dans l’enceinte d’un vieux monastère à Matarieh, Héliopolis, un vestige de ce Sycomore devenu au tournant du IVe siècle « L’Arbre de la Vierge » lorsque l’Égypte est devenue chrétienne. C’est là selon la tradition que la Sainte famille et l’enfant Jésus auraient trouvé refuge lors de la fuite en Égypte.

Le Sycomore d’Aksoum  correspond sans doute à cette antique tradition venue du temps des Pharaons et entretenue par l’Égypte chrétienne. Un arbre présence vivante qui assure la continuité des traditions ayant abrité une infinité de rituels à travers les époques. Vers cet arbre, depuis le VIe siècle, les sept premiers jours de chaque mois, s’ébranlent à quatre heures du matin, des processions matinales qui rassemblent des milliers de personnes.

On y chante les chants de Saint Yared à qui l’église éthiopienne accorde la paternité de sa liturgie. Les chants divins de la liturgie ont été révélés à Saint Yared, par des oiseaux selon une tradition qui date du VIIe siècle : «trois oiseaux perchés dans l’Arbre sont apparus à Saint Yared et lui ont parlé. Tandis qu’il regardait en direction des oiseaux, il a vu le ciel s’ouvrir et a découvert les anges qui chantaient pour Dieu. C’est ainsi que ces chants ont été révélés à Saint Yared à l’endroit que l’on appelle « Moura Décal ». Un édifice de pierre, toujours vénéré, symbolise le lieu de leur transmission, au pied du sycomore. Sous le Sycomore, depuis des siècles, les chants de Yared se murmurent chaque matin des sept premiers jours du mois par des milliers de fidèles rassemblés, comme une litanie expiatoire.

Du point de vue de l’utilité du Sycomore pour les humains, à première vue cet arbre n’est pas une essence très intéressante. Le Sycomore n’a rien d’un cèdre ou d’un olivier ni même d’un vrai figuier. Sa vocation première semble être de fructifier sans cesse et de se reproduire, sans que l’homme n’intervienne. Il donne de petites « figues » dures et peu digestes et ce sont les oiseaux et le bétail qui seuls savent l’apprécier. Les humains qui voudraient les consommer doivent eux les « traiter » comme le Prophète Amos (Amos 7 :14-15) en enfilant de petites aiguilles pour les attendrir. 

Le Sycomore, du grec « σῦκον, sûkon », figue, et « μόρον, moron », mûre, est de ce fait parfois appelé aussi figuier sycomore. Parfois on l’appelle aussi  faux-platane. Le sycomore est fréquemment soumis à des températures étouffantes. Pour se défendre, le figuier produit de larges feuilles épaisses, capables de conserver la rare humidité. Il est synonyme d’aridité et les hommes s’en servent surtout pour en faire du bois de feu ce qui est crucial car en Éthiopie, on manque de bois pour faire la cuisine au point d’être parfois réduit à brûler de la bouse séchée. Pourtant en Éthiopie on voit d’immenses sycomores et on se demande bien comment ils ont fait pour atteindre cette taille ! 

Il y a une raison : sa présence rassure  car là où pousse le figuier vert , il y a de l’eau ! D’ailleurs à Aksoum, le nom de la place qui l’accueille est « Daéro Ella »  ce qui signifie littéralement « la source du sycomore ».

Là où il y a un sycomore … c’est sûr … il y a de l’eau ! une source, la vie !

Il est devenu comme un point de repère pour le voyageur … et d’ailleurs après les prières matinales sous le Sycomore d’Aksoum, on voit les caravanes des marchands avec leurs chameaux, leurs mulets et leurs ânes se mettre en branle… vers un autre sycomore peut-être car on en trouve beaucoup en Éthiopie… et presqu’à chaque fois on est sûr de trouver à côté une source, une église, un monastère.

L’Éthiopie concentre de très nombreux monastères et églises. Et près d’eux à chaque fois, la végétation et la nature sont préservés. A tel point que l’on peut dire que grâce à la foi, une végétation rare dans des montagnes arides a été épargnée. 

On peut parfois voir une colline dont les deux versants sont aussi raides l’un que l’autre mais complètement différents. D‘un côté de la colline, le sol sec est totalement érodé, rocailleux et sans aucune végétation. Sur l’autre versant, les arbres et la végétation sont préservés. Le contraste est très net et la raison s’impose: ce qui fait la différence est la présence d’un monastère. En dehors de la clôture, tout ce qui ressemble à un arbre, un buisson, même épineux a été coupé, brûlé. De l’autre les arbres ont maintenu la terre et permis ainsi la retenue et l’infiltration de l’eau. La présence du monastère a protégé les arbres, préservé la végétation, favorisé la biodiversité. ​​​​​​​

Dans l’enceinte du monastère et lorsque ce dernier a disparu, sur la place de nombreux villages, le Sycomore est aujourd’hui toujours  symbole de refuge, d’abri et de vie pour le voyageur. Symbole d’immortalité, de puissance et de sacré, le Sycomore en Éthiopie a résisté jusqu’à aujourd’hui, malgré tant de guerres et de d’épreuves, à toute forme de destruction et il a survécu à de nombreuses civilisations.


Sur la place d’Aksoum comme en de nombreux endroits, 

la foi des hommes a sauvé le figuier Sycomore 

et le Sycomore, source de vie a sauvé les humains, 

Preuve de ce lien spirituel qui existe

entre l’homme et la nature, 

entre la terre et le ciel.

Psaume 1 Le vrai bonheur
1   Heureux celui qui ne suit pas les conseils des méchants,
     qui ne s'arrête pas sur le chemin de ceux qui se détournent de Dieu,
     et qui ne s'assied pas avec ceux qui se moquent de tout !
2   Ce qu'il aime, au contraire, c'est l'enseignement du Seigneur ;
     il le médite jour et nuit.
3   Il est comme un arbre planté près d'un cours d'eau :
     il produit ses fruits quand la saison est venue,
     et son feuillage ne perd jamais sa fraîcheur.
     Tout ce qu'il fait réussit.