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Rapport EMS 2017

L’aumônerie en EMS dans notre région est sujette à quelques turbulences qui débouchent sur une question bien plus large. Notre société est en mutation rapide dans son rapport avec la spiritualité. Une évolution que l’on observe avec la manière de fonctionner de la nouvelle Association pour l’animation spirituelle des EMS de l’est vaudois, issue de la fusion des deux associations de Vevey et Montreux.

Alors que jusqu’ici les Associations crées dans les années 80 par les églises catholique et protestante avec une dimension œcuménique affichée étaient composées et financées par un certain nombre d’établissements et de représentant de nos églises, le comité est maintenant exclusivement composé de membres des directions d’EMS qui désignent et rétribuent des animatrices et animateurs spirituels et fixent leur cahier des charges. Mais ils impriment aussi une nouvelle orientation au travail d’animation spirituelle. L’accent est mis sur un suivi personnalisé de tous les résidents, quelle que soit leur foi, croyance – ou absence de croyance.

De ce fait, le cahier des charges des animatrices spirituelles ne comporte plus de place pour la coordination entre animateurs et aumôniers et en particulier pour les célébrations interEMS qui dès l’instauration de l’aumônerie œcuménique avaient lieu deux fois par an au centre œcuménique de Vassin. La question de la formation est aussi importante : les aumôniers ont une formation théologique complétée par un CPT et une formation continue proposée par le CADEMS (Conseil d’Aumônerie œcuménique des établissements médico-sociaux). Mais sur quelles bases les animatrices seront-elles engagées ? Même si pour l’instant les personnes engagées ont toutes un ancrage dans la foi et une communauté chrétiennes, la formation de base de ces personnes est généralement à caractère infirmier, psychologique ou socio-éducatif. L’adjectif « spirituel » devenu ambigu, surtout opposé au mot « religieux », peut conduire à une évolution qui reléguerait les aumôniers à n’offrir leurs services qu’aux membres de leurs communautés.

Cette conception est une vision qui ne tient pas compte de l’ouverture œcuménique de l’aumônerie ni du fait que nos églises sont ouvertes à tous sans distinction. Cela annonce-t-il un vrai retour en arrière, au temps où les pasteurs de paroisse visitaient leurs paroissiens âgés en EMS ? La question de la place et du rôle des aumôniers de nos Eglises réformée et catholique prend l’allure d’un vrai défi. Alors que la volonté affichée du CADEMS est de toujours mieux professionnaliser l’aumônerie en EMS (elle a produit pour ce faire un concept d’aumônerie) et de définir trois axes « spirituel », « religieux » et « éthique », la tendance actuelle des directions des EMS est de vouloir simplifier et partager le travail en « visites spirituelles » réservées aux animatrices, dont la tâche serait minutée pour que tous les résidents de l’EMS puissent en bénéficier de façon uniforme, et de « confessionnaliser » les aumôniers en les reléguant à un rôle de célébrants venant de l’extérieur.

Cette évolution est rapide, et il semble que l’ensemble du canton soit concerné. Nous risquons de voir ainsi deux modèles entrer en tension. Celui d’une aumônerie pensée et mise en œuvre par le CADEMS et celui, nouveau, mis sur pied par un certain nombre d’établissement avec des animateurs et animatrices spirituels employés par l’établissement qui serait à même de leur fixer un cahier des charges. Le risque, à terme, serait que l’aumônerie des EMS puisse être supplantée par un tel modèle, déconnecté d’une référence théologique et éthique chrétienne. Pour remédier à cette situation, le Conseil synodal propose de « cantonaliser » les aumôniers, pensant ainsi renforcer leur place et leur rôle. Que faut-il en penser ? Personnellement, je suis partagé à ce sujet, car bien que conscient des défis posés par l’évolution que je viens de décrire, je vois aussi le danger que l’aumônier perde l’ancrage dans une communauté, un conseil et dans une région de l’Eglise. L’aumônier issu d’une paroisse a un contact plus aisé avec les résidents, qui, par exemple, sont souvent d’anciens paroissiens. Le risque me semble réel de voir des aumôniers devenir « des électrons libres » sans liens forts ni avec la région où s’exerce leur ministère ni même une paroisse de l’Eglise.

Marc Horisberger mars 2018