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Chaque année, lors la première semaine de novembre, environ 100 manifestations à travers toute la Suisse invitent à la rencontre et au dialogue entre les religions et les cultures présentes dans notre pays. Cependant, la pandémie du Covid-19 a poussé le MCDA-Riviera à reporter une journée de partage entre communautés chrétiennes et musulmanes de Vevey-Montreux. Le dialogue se poursuit d’une autre manière par l’interview de Marc Horisberger, pasteur à Clarens et aumônier en EMS.









Faites connaissance avec Marc Horisberger, membre du MCDA Riviera (Musulmans Chrétiens dialogue et amitié)

Pouvez-vous nous parler de votre parcours de foi ? M.H : je viens de La Tour-de-Peilz où ma famille est implantée depuis plus de 100 ans. Je dis souvent que je suis né entre deux feuilles de Bible, car mes parents étaient membres d’une communauté chrétienne séparée de l’Église nationale. A l’époque, on aurait parlé de « secte », car dans ce milieu, on se considérait comme des « vrais » chrétiens et on jugeait « le monde » qui n’était croyant que de nom. On ne fêtait pas les grandes fêtes chrétiennes, on ne récitait pas la prière du Notre Père, considérée comme une vaine redite, le dimanche était consacré à Dieu seul comme le sabbat chez les juifs. A l’école du dimanche ou au catéchisme, on apprenait des chants, les histoires de la Bible et des versets de la bible par cœur et j’aimais ça. C’est à l’adolescence que j’ai commencé à me poser des questions et j’ai senti en moi le désir de mieux connaître la foi. A 18 ans j’ai donc décidé d’étudier la théologie et le bac en poche je me suis inscrit à l’Université de Lausanne dans l’idée de devenir pasteur.​​​​​​​

Qu’est-ce que les études de théologie ont changé pour vous ?

M.H : Au début beaucoup ont dit que j’allais perdre la foi en faisant ces études car à la Faculté de théologie de Lausanne l’approche des textes de la Bible étaient très différente de celle de mon milieu d’origine. Le rapport au texte n’était plus « fondamentaliste », attaché à la lettre du texte, mais « historico-critique » : J’ai appris à prendre de la distance, ou plutôt de la hauteur avec les textes. Le texte biblique a perdu de son côté sacré, intouchable, pour devenir un miroir me renvoyant à moi-même et à l’actualité de notre monde. A partir de là les textes de la Bible sont devenus pour moi non plus des recueils de prescriptions, de dogmes ou de lois, mais, pris dans leur contexte, autant de paroles propres à me faire réfléchir et à me pousser à l’action. 


Alors votre foi a changé ?

M.H : Oui, mais pas d’un coup. C’est un long chemin. En mettant de la distance avec le texte de la Bible, je crois qu’on découvre mieux celui qui l’inspire ! J’ai progressivement compris que Dieu est à la fois celui qui est « aux cieux », inaccessible, indicible, inconnaissable et trop grand pour que je puisse jamais le connaître « définitivement », mais en même temps il est comme le ciel qui commence sous mes pieds… tout près de moi, il m’enveloppe, me protège, me soutient et m’entoure de sa présence et de sa tendresse : il est « Père » - et mère ! – parent,  à la fois Origine et Amour. Dieu est infiniment grand et en même temps il se fait connaître comme l’infiniment « petit », doux et humble de cœur, un Dieu d’amour qui se donne à qui s’ouvre à son amour. C’est le mystère révélé en Jésus, le Christ, qui naît dans une mangeoire et meurt au milieu des criminels. C’est le mystère d’un Dieu d’amour, qui définitivement refuse le pouvoir, la gloire, les honneurs, la haine, la violence, l’exclusion, la condamnation et le jugement.


Pourquoi vous êtes-vous engagé dans le dialogue interreligieux ?


En 1977 je suis parti en auto-stop vers le Moyen-Orient en passant par Sarajevo, la Turquie, la Syrie, la Jordanie et Israël, à une époque où il n’y avait pas tous les barbelés et les murs qui déchirent ces pays. Je suis tombé gravement malade à Damas et c’est un pharmacien musulman qui m’a comme « sauvé la vie » en me soignant chez lui, pendant plusieurs jours, comme si j’étais son fils. Dans mon délire, j’ai vu en lui le « bon Samaritain » de la parabole racontée par Jésus. Après cela, j’ai visité et pu librement prier dans de nombreuses mosquées et j’ai été accueilli fraternellement dans de nombreuses familles au cours de ce voyage où jamais je n’ai ressenti d’insécurité. De là date l’amour particulier que je porte aux musulmans dont j’admire la foi remarquable. Plus tard, devenu pasteur dans l’Église fréformée, je suis allé à la rencontre des chrétiens de toute obédience, de l’indouisme et du bouddhisme. En 2015 j’ai vécu 6 mois en Asie. Au Japon j’ai eu le privilège d’étudier dans le Centre pour l’étude des religions japonaises (NCC Centre for the Study of Japanese Religions) à Kyoto et de faire de nombreuses rencontres de prêtres bouddhistes, shintoïstes et d’autre religions. Cela m’a définitivement acquis à la cause du dialogue entre les religions.

Le mot de la fin ?

M.H : La Suisse d’aujourd’hui, au plan religieux, ne ressemble en rien à celle qui m’a vu naître. Aujourd’hui elle est plurielle, multiculturelle. De nombreuses communautés religieuses y sont représentées qui parfois s’affrontent dans leur pays d’origine. Ce que je souhaite, c’est que notre pays offre à chacun la possibilité de vivre sa foi dans la paix, la liberté et le respect de chacun. Mais aussi que nos communautés diverses offrent la possibilité d’un dialogue fécond qui soit l’antidote à un communautarisme nourri par des crises identitaires. Pour cela, il faut promouvoir le dialogue à tous les niveaux, en commençant par l’école publique. Mais nos communautés aussi ont une responsabilité. C’est ce qui me motive à participer aux groupes MCDA avec des croyants de la base soucieux de promouvoir l’amitié et le dialogue. Toutes les religions présentes dans notre pays ont un immense intérêt à montrer que la religion est un facteur de cohésion sociale, d’harmonie et de paix. Non seulement face à nos autorités politiques, mais aussi et surtout pour rendre gloire à Dieu.


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image-6587167-0 La maison de lEurope à Irkoutsk témoin du passé 1.jpg