•  
  •  

Psaume dialogué 72(71)  Béni soit le Roi !
De Salomon
 
O = Officiant   A = Assemblée














Entrée
de Jésus Christ à Jérusalem. Flandrin Hippolyte (1809-1864). Fresque. Paris, Eglise Saint-Germain-des-Prés.

O   Ô Dieu, donne tes jugements au roi,     
A      Au fils du roi, ton sens de la justice.

O   Qu'il gouverne en étant fidèle au droit,     
A       Qu'il juge les pauvres sans malice.  
O   Les montagnes portent la paix aux indigents,     
A       Les collines donnent la justice et le bonheur.
O   Que le roi fasse droit aux pauvres gens,     
A       Qu’il sauve les humiliés des oppresseurs.  
O   On te craindra tant que soleil et lune brilleront.     
A       Comme les ondées qui arrosent la campagne,
O   Descends sur le pays et les humains fleuriront,     
A       De la ville jusqu’au sommet des montagnes.  
O   Descends et règne jusqu’aux extrémités de la terre,      
A       Prends la défense des victimes, ôte leurs fardeaux!
O   Les habitants du désert vont mordre la poussière,    
A       Les rois des nations apporteront des cadeaux.  
O   Oui, Il délivrera le pauvre qui appelle au secours.     
A       Béni soit à jamais le roi, le Seigneur Dieu,
O   Car il a eu souci du faible et du pauvre sans recours.     
A       Que toute la terre bénisse son nom glorieux !

Rembrandt Harmensz. van Rijn, Eli instruisant le jeune Samuel (sous les traits du Prince Ruprecht von der Pfalz, Duke of Cumberland, âgé de 10 ans) huile sur toile, (1629-1630), J. Paul Getty Museum Los Angeles, CA







Commentaire du Psaume
La figure du Roi
Le psaume 72 présente une ambiguïté : qui est la figure centrale du psaume ? Dieu ou le roi ? On pourrait croire à première vue que qu’il fait partie des « psaumes royaux » (2 ; 18 ; 20; 21; 45 ; 89 ; 101 ; 110 ; 132 ;144) qui rendent hommage au roi et à sa dynastie. Pourtant il s'avère différent des autres psaumes royaux qui décrivent plutôt  les activités guerrières du roi (Ps 2 ; 18 ; 110) ses combats et ses triomphes. Ici le thème principal est celui de la « bonne gouvernance » dont les caractéristiques sont la justice, la paix et la prospérité. Par ailleurs on découvre rapidement que le roi ne gouverne pas seulement son peuple, mais le monde entier (Tarsis à l’ouest correspond aux « colonnes d’Hercule » (le détroit de Gibraltar), Saba au sud,  Séba à l’est et les îles viennent compléter cette expression des confins de la terre. L’expression « de la mer à la mer » aussi évoque la terre habitée qui, toute entière, vient rendre hommage à ce roi universel. On pourrait donc tout aussi bien ranger ce psaume au côté des « chants du Règne » (93 ; 96-99) qui célèbrent Dieu comme le Roi par excellence, le Roi qui établit la Justice et le Prince de la paix. Les montagnes qui portent la paix (v.3) comme la « descente ou la « domination » d’une mer à l’autre (v.8) font clairement référence au Seigneur, Roi de justice et Prince de paix dont le règne éternel (v.5) est universel. Ainsi il ne faut peut-être pas trancher la question de l’appartenance du psaume 7. Des liens intimes unissent les « Psaumes royaux » et les « Psaumes du règne ». Tous ces chants portent en eux l’attente d’un Roi idéal, qui établirai pour toujours un règne de paix et de prospérité. Le Psaume 72 établit peut-être plus clairement que tous les autres que tout gouvernement humain devrait s’inspirer du règne exercé par Dieu.























Le Roi et son fils...David et Salomon, vitrail de la cathédrale de Strasbourg 13e s

Un psaume de Salomon ?
Le psaume est placé sous le patronage de Salomon (v.1) dont le nom signifie « paix » bien qu’il appartienne au recueil de David (v.20). La paix, la prospérité, l’harmonie, est en effet comme le fil rouge, la constante de ce psaume qui présente le Roi comme celui qui procure la paix. La recherche de la paix va faire l'objet d'une poursuite inlassable (v. 3, v. 7). Et cette paix sera universelle, dépassant de loin la simple ère de prospérité qu’Israël a pu connaître sous les règnes de David et Salomon.

Une drôle de justice
Le Psaume commence donc par célébrer le Roi idéal - et son fils. Le roi idéal est celui qui fonde toutes ses actions sur la justice. La justice (vv. 1, 3 et 7) doit être la norme du gouvernement. Mais cette justice est d’emblée une drôle de justice : en effet loin d’être seulement la recherche d’un équilibre d’une équité ou d’une égalité, elle marque nettement une préférence pour les pauvres (vv. 2, 3, 12 et 13).

Postérité du Psaume 72
Le récit de la visite des mages à Bethléem (Matthieu 2) ainsi que d’autres textes de l’Apocalypse font clairement référence à ce Psaume qui évoque l’hommage des rois des confins de la terre au Roi – et à son fils. Les mages offrant de somptueux présents, les premiers chrétiens en ont rapidement fait des rois et lu le psaume 72 comme une annonce de la venue du Christ.






















Andrea Mantegna (vers 1431-1506) L' Adoration des mages 1495-1500 
Huile sur toile;  Los Angeles, The J.P. Getty Museum

Le sermon sur la montagne à commencer par les béatitudes s’inscrit également dans la ligne tracée par ce Psaume « prophétique ». Jésus n’a-t-il pas vécu selon cet idéal, lui qui disait: « Heureux les pauvres car le Royaume des cieux est à eux! »; « Heureux les artisans de paix »; « Cherchez le règne de Dieu et sa justice… »

Pour la petite histoire, à l’époque moderne le Psaume 72 a encore réussi à inspirer les Canadiens puisqu’au moment où le grand rêve d'un pays transcontinental se réalisait, ils choisirent de prendre pour devise le v. 8 du Psaume 72 : A mari usque ad mare « Qu'il domine de la mer à la mer! » Acceptée par le gouvernement et le peuple canadien, elle est devenue officielle en 1905.