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Heureux les doux, Ils hériteront  la terre !

Commentaire 2ème  béatitude

« Heureux les doux ». On pourrait aussi traduire « Heureux les humbles » Comme pour les pauvres, il ne s’agit pas d’une qualité morale qu’on aurait pu acquérir de haute lutte contre soi-même. La pauvreté, l’humilité ne sont pas des vertus chrétiennes. Ce sont des réalités socio-économiques. Et cette béatitude prolonge la précédente. Les humbles ne sont pas en manque des besoins fondamentaux comme les pauvres. Mais ils ont juste le nécessaire. Ils n’ont pas de pouvoir et ne possèdent rien. Ils vivent dans ce monde comme des étrangers et des voyageurs et n’ont d’autres ambitions que de ne faire aucun tort à leur prochain. Ils vivent simplement et acceptent leur condition. Comme si le sens de leur vie était donné au travers de la fidélité, de la loyauté, de l’amour dispensé de manière totalement gratuite et sans calcul. Comme s’ils appartenaient à un autre univers que celui du monde brutal et cruel que nous connaissons. On s’étonne alors que Jésus leur promette la terre alors que tout se passe comme s’ils vivaient déjà dans le ciel ! L’empereur et philosophe romain, Julien (dit l’Apostat + 363), disait des chrétiens qu’il persécutait : « qu’on leur donne le ciel, c’est là leur place ! » (lettre No 43). Mais Jésus dit : « Ils auront la terre en héritage » Pas le ciel ! mais bien cette terre « Promise » où coule le lait et le miel, cette terre vers laquelle ils sont en marche. Jésus annonce déjà la qu’il y aura un renversement surprenant, où les derniers seront les premiers, et les premiers les derniers.

Eloge de la douceur

Ce sont les doux qui l’emportent. Tout a beau prouver le contraire,
ce sont eux qui l’emportent. Leur règne est sans violence,
leur victoire sans triomphe, leur pouvoir invisible.
Heureux les doux car ils posséderont la terre
dit Jésus dans la deuxième Béatitude.
Les doux forment une communauté inavouable,
une conjuration très puissante
qui prépare en douce un monde réconcilié, joyeux, hospitalier.
Ils refusent que la lumière s’éteigne,
que la vie s’assèche, que le temps se répète.
On ne sait pas trop si ce sont des dieux, des animaux ou des hommes,
sans doute un peu des trois.
C’est leur tactique pour désarmer le pouvoir et désorienter le savoir.
Quand ils parlent on dirait qu’ils prient et quand ils pensent ils semblent rêver.
Comme ils sont affolants, on les prend pour des fous,
comme ils ne réclament rien, on les fait passer pour des sacrifiés.
Ni prophète ni imprécateur, ni saint ni justicier,
le doux ne se réfugie dans aucun paradis perdu
ni ne refuse le monde tel qu’il est
mais y entre par effraction pour tenter de le faire s’écrouler de l’intérieur.
Ah le spectacle magnifique du monde qui s’effondre
sur ses dogmes, ses certitudes, ses trônes et ses gloires !
Après tout, qui sait, un ange exterminateur dort peut-être dans le cœur de chaque doux. L’empereur stoïcien Marc Aurèle écrit que la douceur est invincible,
mais qui le croit aujourd’hui?
Inflexible, impénétrable, provocante,
la douceur est pourtant la force dont notre monde a besoin.
Elle seule sans doute peut faire tomber les assassins, les imposteurs, les prédateurs,
les faire tomber en espérant les transformer,
elle seule peut s’opposer à la dévastation, des hommes par les hommes,
des animaux par ceux qui croient ne pas en être, de la terre par nous tous.
Car la violence renforce toujours ceux qui ont fondé leur pouvoir sur la violence.
Voyez la Syrie, l'Irak, l’Egypte, la Russie.
“La douceur est politique. Elle est un verbe : on fait acte de douceur.
Elle s’accorde au présent et inquiète toutes les possibilités de l’humain.
De l’animalité elle garde l’instinct, de l’enfance l’énigme,
de la prière l’apaisement, de la nature l’imprévisibilité, de la lumière la lumière”.
J’aimerai faire l’éloge de la douceur :
La douceur n’est pas l’apanage des petits et des soumis,
la douceur est celle du Christ, de Tolstoï, de Gandhi, de Martin Luther King,
de Mère Thérésa et de Nelson Mandela,
des grands des très grands de l’histoire des hommes.
Loin d’être une forme de passivité ou de résignation,
elle est l’expression la plus pure de la désobéissance et de la résistance.
Non, la perversion ne passera pas par moi dit le doux,
ni l’autorité abusive, ni la loi injuste, ni l’indifférence massacreuse.
Comme une sorte de foi sans transcendance, la douceur écoute,
elle attend, démine les passions tristes,
parie sans défaillir sur la transformation profonde de celui qui y sera sensible.
Nombreux sont pourtant ceux qui lui restent étrangers,
la reléguant au bazar des sentiments inutiles, lui déniant tout pouvoir, oubliant son exigence.
Nous ne sommes pas égaux devant la douceur.
Certains subliment celle qu’ils n’ont pas reçue, la musique et la poésie font alors l’affaire,
d’autres se murent dans leur forteresse intérieure qu’ils déplacent de rivage en rivage,
d’exil en exil dans une longue errance ponctuée de ravages et de pillages.
Un jour viendra où la force de la douceur n’épargnera personne,
ni les cœurs furieux, ni les cœurs secs, ni les cœurs vengeurs.
Heureux les doux, car ils possèderont la terre.
                                                  variations sur un texte trouvé sur internet